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upwellinglaw
11 avril 2011

Bâtir ensemble le développement durable de nos littoraux

 

Nous sommes plus de 9,5 millions de marocains à occuper les villes côtières du Maroc[1]. Ce chiffre est en continuelle augmentation. En 2014, la tendance à la littoralisation atteindra plus de 55%[2]. La population rurale vit de plus en plus sur le littoral, et pour cause : nos littoraux sont à la fois des espaces de loisir, de travail et de survie pour un bon nombre d’entre nous. En effet, depuis 2000, le littoral réalise environ 82% de la production industrielle, 54% des unités touristiques et 71% de l’activité bancaire[3].

Jadis protégés des tempêtes de l’océan par nos honorables Saints (Sidi Bouknadel à Agadir, Sidi Kaouki A Essaouira, Sidi Boudheb à Safi, Sidi Abderrahmane à Casablanca, etc.), notre littoral n’est plus aujourd’hui à l’abri ni de la mondialisation féroce, ni du déchaînement des flots. 

Espace convoité, le littoral est par conséquent un espace détruit, défiguré et pollué. L’appât du gain pousse les spéculateurs immobiliers et autres promoteurs économiques à le détruire sans vergogne. Résultat : près de 270 espèces sont menacées et d’autres ont complètement disparues[4], nos plages sont érodées et bétonisées, nos paysages côtiers sont défigurés. Cette dégradation de l’environnement a un coût. Il est de 3.166 million de dirham selon les estimations, autrement dit 4.6% du PIB[5]. Ce coût ne prend pas en compte le réchauffement climatique dont les impacts sur le littoral sont inéluctables. Ils prennent notamment la forme d’inondations et élévations du niveau de la mer. Ainsi, le niveau moyen de la mer peut atteindre 26 à 59 cm dans les pires scénarios d'émission de GES, sous l’effet de la dilatation thermique et de la fonte des glaciers [6]. L’élévation du niveau de la mer aura diverses conséquences sur les littoraux (érosion, salinisations des nappes souterraines, modifications physicochimiques de l’eau de mer, perturbations des courants marins, etc.).

Les changements climatiques ne sont pas de simples phénomènes naturels. La part de l’homme y est éminente. Mais les remèdes dépassent la seule sphère étatique.  Si nous ne pouvons pas grand chose pour les contrer, car ils sont désormais inévitables, nous pouvons au moins s’y préparer en s’adaptant à leurs effets. Or nos littoraux déjà éprouvés par les menaces que font peser sur eux certains de nos compatriotes, auront du mal, en l’état actuel des choses, à s’adapter aux impacts prévisibles des changements climatiques.

En effet, l’absence d’une véritable stratégie du littoral renforce la vulnérabilité de cet espace. La loi Littoral a été trop longtemps attendue. Notre avenir et celui des générations futures en dépendent pourtant. Ils dépendent surtout de sa mise en œuvre effective dans le cadre d’une politique de développement durable de notre littoral.

Le développement durable nécessite de prendre en compte le long terme. La loi doit s’inscrire dans cette temporalité. Elle ne doit pas figer le littoral mais lui permettre de s’ancrer pleinement et durablement dans l’économie de notre pays. Pour ce faire, la loi Littoral doit répondre à la diversité des problèmes littoraux. On ne peut imposer les mêmes règles partout ; une zone humide n’est pas comme une ville côtière urbanisée… Mais on ne doit pas, sous prétexte de flexibilité, suspendre la loi aux hypothétiques décrets d’application, ni abuser des exceptions…L’économie est l’art des bonnes lois.

La protection de notre littoral est l’affaire de nous tous. Elle nécessite une gestion intentionnelle de tous les départements ministériels et collectivités locales. La régionalisation avancée est une opportunité à saisir pour mieux doter le littoral des moyens de résilience dont il a besoin. Il y va de la prospérité de notre pays, car en protégeant le littoral, nous conservons nos ressources marines, nous épargnons nos paysages et nous favorisons le développement d’un tourisme durable.

Bordé par une mer et un océan, notre pays a une vocation maritime à renforcer. Cette vocation doit s’inscrire dans une stratégie intégrée basée sur une approche écosystémique. Celle-ci doit dépasser le stade du slogan pour avoir des applications concrètes en fédérant l’ensemble des intervenants y compris le monde de la recherche et les ONG.

« La loi est l’expression suprême de la volonté de la Nation » (article 4 de la Constitution). En ce moment même la loi relative à la protection, à l’aménagement et à la mise en valeur du littoral est en phase d’étude au Parlement. Cette loi saura-t-elle répondre à la volonté de la Nation y compris celle des générations futures ? Saura t-elle mettre en œuvre une approche inédite basée sur la gestion intégrée ?

Nos députés doivent choisir la durabilité. Ils doivent s’inspirer du droit comparé avec ses lacunes et ses avancées afin de doter notre pays de la loi littoral qu’il mérite, une loi qui collera davantage à nos spécificités dans la mesure où tout reste encore à faire.

Le gouvernement doit veiller à contrôler l’application de la loi en assurant son effectivité à travers la sensibilisation, l’information et la participation, mais aussi à travers la dissuasion.

A nous de bâtir ensemble le développement durable de notre littoral.

 

 

 

 

[1]. Chiffre Haut Commissariat au Plan (HCP), septembre 2010.

 

[2]. Idem.

 

[3]. Idem.

 

[4]. Ministère de l’environnement, Cellule du littoral, Eléments pour une Stratégie de protection et de gestion intégrée du littoral,  février 2005. p.19

 

[5]. Royaume du Maroc, Evaluation du coût de la dégradation de l’environnement, Document de la Banque Mondiale, Juin 2003.

 

[6]. GIEC, 2007.

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